Dans la foulée de nombreuses publications consacrées à la Seconde Guerre à l’occasion de l’anniversaire du D Day, les Éditions du Lombard publient un ambitieux volume de 300 pages pour raconter la Seconde Guerre en bande dessinée.
Les auteurs ont relevé l’exploit de raconter la guerre partant de 1921 pour souligner les conséquences du traité de Versailles et le fait que si la paix est signée, de nombreux conflits couvent toujours et sont porteurs d’orages à venir jusqu’au procès de Nuremberg. L’ensemble se décline en 20 chapitres à la fois chronologiques et thématiques, passant du front européen à la guerre du Pacifique. Malgré la masse d’informations mises en scène, la narration est claire et fluide. Le lecteur ne se sent jamais perdu dans les méandres des dates, du grand nombre de personnages et des événements. Le scénariste insiste sur les discussions entre hommes politiques, entre militaires ou diplomates. Il nous fait pénétrer au cœur des états-majors ou des ministères.
Remarquablement dessinés dans un très beau noir et blanc, chacun des 20 grands moments occupe une dizaine de pages. Certains épisodes sont légèrement plus développés que d’autres, mais il ne manque rien. On peut être frustré de n’avoir que quelques cases pour décrire l’Opération Barbarossa, Bagration ou les débarquements sur les côtes françaises de 1944, mais l’important n’est pas là. Les auteurs invitent le lecteur à considérer autrement certains événements qui paraissent plus anecdotiques comme les discours de Charles Lindbergh ou le suicide de Stefan Zweig. Des courts textes les replacent dans leur enchaînement et expliquent ce qui est difficile à dessiner comme les tractations diplomatiques ou les problèmes économiques. Une bibliographie solide conclut ce gros volume.
Le résultat plutôt convaincant est une chronologie illustrée qui permettra aux plus jeunes de rentrer facilement et sans ennui dans l’histoire du conflit. Chacun pourra trouver qu’il manque ceci ou cela ou que tel ou tel épisode aurait mérité plus de développements, mais il aurait fallu plusieurs volumes de centaines de pages pour y arriver.
La Seconde Guerre mondiale en BD
Dessin : V. Cifuentes
Scénario : A. de la Croix
Éditions : Le Lombard
300 pages, 29,90 €
Interview d’Arnaud de la Croix
Comment réagit-on quand il s’agit de raconter la Seconde Guerre mondiale en 300 pages de BD, un projet titanesque et risqué ?
C’est moi qui ai proposé ce projet aux éditions du Lombard, qui se sont montrées enthousiastes. C’est, nous sommes bien d’accord, un projet audacieux, une gageure assumée : un seul volume et non plusieurs.
A qui s’adresse-t-il ?
Une synthèse détaillée accessible au grand public, en particulier aux jeunes générations, ceci à l’heure où la guerre est de retour en Europe.
Pouvez-vous me parler de la structure du livre ?
Vingt chapitres, vingt jalons, des origines du conflit à ses conséquences qui se font toujours sentir aujourd’hui, le nouveau désordre mondial actuel…
J’ai voulu éviter l’histoire-batailles, la plus « spectaculaire », donc la plus tentante au plan visuel, tout en laissant une large place aux prises de décisions qui conduisent aux opérations sur le terrain. J’ai aussi globalisé le conflit en sautant d’un théâtre à l’autre, bien que la guerre en Europe structure mon projet.
Pourquoi avoir choisi de commencer en 1921 ?
Pour dévoiler les prémices du conflit, la naissance d’une volonté de revanche en Allemagne après la défaite de 1918 et le traité de Versailles, jugé injuste. La guerre ne commence pas en 1939, elle trouve ses origines dans des événements antérieurs.
Comment avez-vous choisi les événements mis en avant dans les planches dessinées ?
Comme autant d’éléments d’un engrenage fatal et interactif. Certains événements, comme la bataille de Khalkin Gol, ont eu des conséquences majeures sur le déroulement de la guerre.
Le choix a dû être difficile ?
Ces choix ont été arrêtés avec l’éditeur et différents conseillers, basés sur l’interaction des événements choisis avec l’ensemble du conflit. Cela oblige à des raccourcis, mais les textes resituent le contexte.
Pourquoi avoir inclus des moments anecdotiques comme Lindbergh ou Zweig ?
Ces moments permettent de mieux comprendre des postures ou mentalités de l’époque. Par exemple, Lindbergh incarnait l’isolationnisme américain. Quant à Zweig, son suicide illustre un « adieu à la civilisation ».
Comment avez-vous travaillé avec le dessinateur ?
Je lui transmettais découpage et dialogues, ainsi que la documentation utile. Nous discutions ensuite sur ses crayonnés. Son trait précis et réaliste s’est révélé essentiel pour l’édition en noir et blanc.
On voit que vous avez réuni une masse très importante de documents ?
Malgré mes ouvrages précédents sur le nazisme et la Seconde Guerre mondiale, je suis allé de découvertes en découvertes durant ce projet. J’espère que le lecteur vivra la même expérience.
Pour découvrir les premières pages de cet album…