Tactique, stratégie, logistique, électronique… En à peine six ans, en 1945, la Seconde Guerre mondiale a radicalement transformé les manières et les moyens de combattre de toutes les armées du monde. Ce formidable déploiement d’innovations, dans lequel l’actuelle suprématie militaire et technologique des États-Unis plonge ses racines, a laissé des traces lisibles pendant un bon demi-siècle. Et la révolution numérique est loin de tout avoir effacé. Le dossier du 84e numéro de Guerres & Histoire analyse en détail ces bouleversements.

1945 : comment la guerre a bouleversé l’art militaire

Combattre : les ruptures technologiques révolutionnent la tactique
La guerre industrielle « machinisée » est née des tranchées de 14-18. Mais la Seconde Guerre mondiale a approfondi cette transformation du combat, au point que les armées de 1945 ne ressemblent plus guère à ce qu’elles étaient en 1918… ou en 1939.
Éther : la révolution électronique
Si la plupart des recherches fondamentales datent d’avant-guerre, le conflit fait faire un bond prodigieux aux technologies de détection, de communication et de décryptage. L’ingéniosité des laboratoires britanniques et les moyens de développement américains offrent aux Alliés occidentaux une avance considérable, qui a perduré.
Logistique : l’invention de la guerre mondialisé
Dans cette guerre totale, la victoire est allée aux nations qui disposaient du plus fort potentiel économique et qui ont su le mieux le convertir en énergie. Encore fallait-il transférer celle-ci jusqu’à des champs de bataille parfois distants de plusieurs milliers de kilomètres. Cet effort cyclopéen a transformé la société américaine dans son ensemble.
Les opérations dilatent le temps et l’espace
Trois mots caractérisent les opérations de la Seconde Guerre mondiale : profondeur, durée, volume — autant de dimensions élargies bien au-delà de ce qui avait été observé dans les conflits précédents. En 1945, la guerre se pense désormais à l’échelle planétaire.
Un héritage mal digéré
L’arme atomique et la perception erronée d’une supériorité tactique allemande ont altéré la compréhension des leçons de la Seconde Guerre mondiale par les deux camps de la guerre froide. Ces fausses routes expliquent les difficultés rencontrées en Corée, au Vietnam et en Afghanistan.
Le soldat oublié – Boyer le Cruel, le champion de la loi du sabre

Soldat sorti des rangs de la Révolution, Pierre Boyer apprend en Égypte à mettre la brutalité au service de la lutte contre-insurrectionnelle.Si bien qu’il exerce ses douteux talents à Saint-Domingue, en Espagne, de nouveau en Égypte puis en Algérie, avant d’être victime non de ses exactions, mais de sa vantardise.
Le témoin – Guerre aérienne – Ramon Josa : « J’avais le MiG dans le viseur de mon Crusader »

Ramon Josa a 18 ans et il est encore de nationalité espagnole quand il s’engage comme mécano dans la Marine nationale. Ainsi vingt-quatre ans plus tard, il affronte les MiG-21 yéménites aux commandes d’un Crusader — un intéressant incident, aujourd’hui oublié. Puis, en 1983, il participe aux deux bombardements français du Liban, à bord cette fois d’un Super-Étendard. Voilà deux exploits qui ont fait de lui une légende vivante de l’Aéronavale.
Archéologie – Des armures aux balistes : les reconstituteurs ressuscitent des technologies disparues

Longtemps perçue comme une activité d’amateurs costumés, l’archéologie expérimentale a gagné ses lettres de noblesse. Aujourd’hui, elle s’impose comme une méthode essentielle pour comprendre les armes et les équipements militaires d’époque romaine. C’est pourquoi en reproduisant ces artefacts, les chercheurs retrouvent des gestes oubliés et évaluent leur efficacité réelle.
PORTFOLIO – Jimmy Hare : soleil levant sur l’Asie

En 1904, les toutes jeunes marine et armée impériales japonaises se jettent sur leurs homologues russes aux confins mandchous de la Chine et de la Corée. Après quinze mois de combats, devant un monde éberlué, le tsar renonce. Donc le nain jaune a terrassé l’ours blanc ! Et les observateurs militaires découvrent de nouvelles manières de faire la guerre. Le photographe Jimmy Hare était là.
Guerres et campagnes – Indonésie : la première guerre d’indépendance perdue par l’Occident

Sortis renforcés d’une terrible occupation japonaise, les nationalistes indonésiens prennent les armes et arrachent l’indépendance aux Pays-Bas en 1949.
Les Néerlandais ont, il est vrai, accumulé les erreurs, la pire étant de tout miser sur l’option militaire. Exemplaire pour les mouvements de libération nationale à venir, ce conflit est aussi le premier où les États-Unis et l’ONU liquident directement un vieil empire colonial européen.
Rapport de bataille – Camaret, 18 juin 1694 : Vauban sauve Brest en personne

Désireux de venger les outrages infligés à leur commerce par les marins de Louis XIV, les Anglo-Néerlandais tentent une descente-surprise sur Brest. Hélas pour eux, le roi y dépêche Vauban. Ainsi l’ingénieur anticipe les plans adverses, improvise des défenses et inflige aux chefs britanniques un humiliant fiasco. La Royal Navy n’y reviendra plus.