Si vous passez par Monaco pendant ce mois d’août, ne ratez cette exposition inattendue sur l’histoire croisée des Bonaparte et de Monaco.
Monaco et Bonaparte, une histoire commune
Durant tout le XIXe siècle, ces deux familles n’ont cessé de jouer avec le balancier de l’histoire. Sans, les Napoléons, la principauté ne serait sans doute pas ce qu’elle est aujourd’hui. Un héritage jusqu’alors peu mis en évidence, comme inattendu.
Après la Révolution française, qui a effacé la Principauté de la carte de l’Europe, les princes de Monaco embrassent l’épopée napoléonienne. Des champs de bataille aux ors de la cour, ils croisent l’impératrice Joséphine, comme celle de Napoléon Ier en mars 1815. Cette ne aventure fut même narrée par Alexandre Dumas.
Après 1870, le Monaco des Grimaldi croît et prospère dans le prolongement de la fête impériale. Ils font écho aux fastes de la cour de Napoléon III. Désormais reliée par la route de la corniche et le chemin de fer, la villégiature balnéaire est dotée d’un casino. S’y ajoute un opéra, construit par Charles Garnier. Ce « petit Paris », attire l’élite aristocratique de l’Europe. En concluant une grande alliance en 1861, Napoléon III assure à Monaco une place sur l’échiquier politique et économique européen. Mais les liens qui unissent les Bonaparte aux Grimaldi ont aussi été personnels. L’impératrice Eugénie a fréquemment reçu dans sa villa du Cap Martin son « filleul de coeur », le prince Albert Ier. Elle fut d’ailleurs à l’origine de son mariage, en 1869, avec Marie-Victoire Hamilton, petite fille de la grande-duchesse de Bade Stéphanie de Beauharnais, fille adoptive de Napoléon Ier.
Au cœur de l’intimité entre Monaco et Paris
Grâce à des pièces exceptionnelles, l’exposition met en scène les moments clefs de la vie de personnages emblématiques de l’histoire, de l’amour passion entre Napoléon et Joséphine aux immenses chagrins de l’impératrice Eugénie. La scénographie de cette exposition s’attache tout particulièrement à suggérer l’ambiance des palais impériaux, fastueuse mais aussi intime, puisque on y voit des bijoux de Joséphine, des tabatières, des objets personnels, veillés par des portraits inédits de la famille princière, prêtés par une branche collatérale des Grimaldi, aujourd’hui allemande. L’art de la table n’est pas oublié, avec une fabuleuse collection d’argenterie, qui montre que le cérémonial monégasque n’a rien eu à envier à celui de la cour impériale.
Paris-Monaco, es cours fastueuses
Institutionnel, politique et artistique, l’héritage des Napoléon(s) à Monaco s’incarne aussi par la reprise du cérémonial et de la symbolique des Bonaparte, l’ordre monégasque de Saint-Charles s’inspirant de celui de la Légion d’Honneur.
La présence de la pendule à l’oiseau, issue de la collection Iakobachvili, un modèle similaire à celui que chérissait Joséphine à La Malmaison, précieux chef d’oeuvre animé, qui allie une éblouissante poésie à une technicité annonciatrice d’un nouvel âge, montre l’ambition tout à fait exceptionnelle de la manifestation. Grâce au généreux concours des prestigieuses collections du Palais princier et de la Fondation Napoléon, de grands musées français, mais aussi de collections privées peu connues, l’art se met au service de l’histoire pour illustrer la flamboyante renaissance d’une Principauté à la renommée mondiale.






Trois questions aux commissaires – Regards croisés d’historiens
Une histoire méconnue et passionnante
Le regard de Pierre BRANDA, Membre de la Fondation Napoléon, historien des deux Empires et commissaire de l’exposition
Les parcours des Empereurs Français et de la famille Grimaldi s’entrecroisent tout au long du XIXe siècle. Cette exposition a-t-elle pour but d’éclairer tout ce pan méconnu de l’histoire ?
En effet, nous souhaitons vraiment que le visiteur découvre une histoire aussi inédite que passionnante. Notre récit traverse tout le XIXe siècle avec les destins croisés de Napoléon Ier,
Joséphine, Napoléon III, Eugénie et des princes de Monaco, d’Honoré V à Albert Ier. Loin d’être anecdotiques, leurs rencontres illustrent un temps exceptionnel, de la cour de Joséphine à la fête impériale de Napoléon III, mais aussi racontent la fondation du Monaco que nous connaissons aujourd’hui. Car disons-le, sans les Napoléons, la principauté d’aujourd’hui n’existerait pas.
Pourriez-vous nous raconter cette nuit historique où le Prince héréditaire de Monaco est tombé sur Napoléon lors du débarquement de Golf Juan, le 1er mars 1815 ?
L’exposition s’ouvre sur une première rencontre, improbable, romanesque. Après 300 jours d’exil, Napoléon revient de l’île d’Elbe pour reprendre son trône. Il n’a que 800 hommes avec lui. Le pari est fou mais il le réussira en seulement 20 jours et sans tirer un coup de fusil. Au début de ce que l’on appellera le vol de l’Aigle, Napoléon rencontre le prince de Monaco, Honoré V, qui rentre dans ses Etats. Alexandre Dumas immortalisera d’ailleurs la rencontre dans l’un de ses livres. Honoré ne suit pas Napoléon mais nous avons là un croisement des destins tout à fait exceptionnel, la rencontre plutôt épique de deux dynasties qui finiront par se lier à tout jamais.
Cette exposition va présenter un panel très original d’objets et de documents. Tous les grands musées français collaborent à cette exposition unique, ainsi que les archives du palais princier de Monaco et la collection David et Mikhail Iakobachvili. Quelles sont les grandes originalités de cette exposition de premier plan ?
Plus de 180 oeuvres seront exposés, ce qui constitue une réunion tout à fait exceptionnelle. Il est rare de disposer d’autant de pièces pour raconter le XIXe siècle monégasque et napoléonien. Notre ambition se veut grande car nous souhaitons recréer l’ambiance des palais impériaux, reconstituer les règnes des princes de Monaco à travers le faste de cour comme l’intime des souverains. Bijoux de Joséphine, tabatières de prestige, documents fondateurs, objets personnels, trône et apparat, œuvres emblématiques, rien ne manque pour faire de cette exposition un véritable évènement. Parmi ce que nous présentons, de nombreuses pièces sont inédites.
Je pense par exemple à cette fabuleuse pendule à l’oiseau appartenant à la famille impériale, éblouissante et originale, qui est à elle seule un véritable spectacle et que personne n’a encore vu. Avant tout, nous souhaitons que le visiteur soit pleinement immergé dans plusieurs époques aussi fascinantes qu’instructives. Cette histoire qui s’incarne dans plusieurs personnages se veut vivante et empreinte d’émotions. Sans le sentiment, la complicité, le respect et l’affection entre nos grandes figures, notre histoire n’existerait tout simplement pas. « Monaco et les Napoléons » reste avant tout une formidable aventure humaine.
Le regard de Thomas FOUILLERON, directeur des Archives et de la bibliothèque du Palais princier de Monaco et de Thomas BLANCHY, adjoint au directeur des Archives et de la bibliothèque du Palais princier de Monaco, commissaires-adjoints de l’exposition.
Avez-vous prévu de présenter aux visiteurs des documents uniques, jamais montrés jusqu’à présent lors d’exposition ?
La perspective de l’exposition en elle-même est tout à fait nouvelle et inédite. Elle embrasse une période fondamentale de l’histoire de la Principauté, qui, tombée dans l’abîme à la suite de la Révolution française, se relève une première fois en 1814, résiste à la sécession de 80 % de son territoire en 1848 et bâtit les fondations de son renouveau économique, politique et diplomatique sous le Second Empire. Après 1870, la vie intense créée à Monte-Carlo résonne, en quelque sorte, durant toute la Belle Epoque, comme un prolongement de la «fête impériale».
Beaucoup de documents des Archives du Palais ne sont jamais ou très rarement montrés, en effet. Des oeuvres jamais vues sont issues d’une branche collatérale de la famille princière, aujourd’hui allemande.
Les « Napoléon » ont eu un rôle majeur dans l’histoire de la Principauté. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Napoléon Ier doit son ascension et son apothéose à la Révolution française, pendant que les princes de Monaco subissent la Révolution, sont déchus de leur souveraineté par l’annexion de la Principauté à la République française en 1793. Devenus français, les Grimaldi sont des soldats du Consulat et de l’Empire. Le futur prince Honoré V est fait baron de l’Empire et grand écuyer de Joséphine à La Malmaison. Il faut attendre la chute de l’Empire pour que la Principauté soit restaurée dans ses frontières de 1792. Lorsque Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de la République française en 1848, Menton et Roquebrune viennent de se séparer de la Principauté, et l’Italie, qui cherche à s’unifier, ne rêve que d’englober Monaco.
Napoléon III prête une oreille attentive aux demandes d’aide de Charles III concernant le règlement de cette question par l’indemnisation. Parce que Napoléon III obtient le comté de Nice en échange de son soutien militaire à l’Italie nouvelle, une solution peut émerger. Le traité franco-monégasque du 2 février 1861 permet à la Principauté de survivre en tant qu’État et conditionne son renouveau économique en prévoyant son désenclavement par la route et le chemin de fer.
Pourquoi avoir fait le choix d’apporter tout votre concours à cette exposition originale ?
L’enjeu est évidemment de faire mieux comprendre un moment charnière de l’existence de Monaco, en relation avec ces deux temps particuliers de l’histoire de France que sont le Premier et le Second Empire. Il s’agit de mettre en perspective, tout en proposant une vision incarnée, à travers l’évocation des relations personnelles qui ont pu exister entre les Bonaparte et les Grimaldi. L’idée de l’exposition est en adéquation avec la vocation scientifique et la mission de bonne divulgation générale que s’assignent les Archives du Palais princier depuis leur organisation en 1881.






L’exposition se tient au Grimaldi forum de Monaco jusqu’au 31 août 2025
La rédaction n’a pas pu voir l’exposition in situ mais la présentation qui en été faite à Paris et la compétence des historiens commissaires sont gages d’un projet de qualité.