Les pages bd de Guerres et histoire proposent une sélection d’albums remarquables. Pour vous aider à trouver de magnifiques cadeaux de noël de dernières minutes, la rédaction a choisit 10 albums à offrir de toute urgence.
« 10 bandes dessinées pour noël » – Albert Roche
Julien Hervieux que l’on connait pour sa série Le petit théâtre des opérations inaugure cette nouvelle collection « Héros de guerre » chez Grand Angle. Il met son talent de conteur et d’historien au service de biographies d’inconnus aux états de service exemplaire. Albert Roche ouvre la série. Fils de paysan drômois, Albert n’a qu’une idée en tête. Il veut s’engager dans l’armée pour sortir de sa condition. En 1913, le conseil de révision le r envoie chez lui, trop petit et trop chétif. En aout 1914, malgré les doutes du médecin, Albert intègre un régiment d’infanterie mais le gaillard est querelleur et finit, là encore par être renvoyé. Furieux, il fait le mur la veille de son départ et se retrouve jugé pour désertion. Il écope de la punition de ses rêves. Le juge l’envoie en première ligne dans un régiment de chasseurs alpins.
En 4 années de guerre, Albert fait preuve d’un extraordinaire courage et d’un culot sans exemple. Blessé neuf fois, il est responsable de plusieurs dizaines de captures de prisonniers. Il sauve la vie de son lieutenant en le portant sur son dos et manque d’être fusillé pour désertion. En 1920, il porte le cercueil du soldat inconnu et en 1925, le roi George V le décore lors des funérailles du maréchal French. Il meurt à 44 ans, renversé par une voiture. Le scénario est, bien sûr, tut à la gloire d’Albert Roche mais Julien Hervieux n’oublie pas de faire de l’histoire. Il nous plonge au cœur des tranchées, dans le quotidien des poilus ou dans la salle d’un tribunal militaire. Le dessin d’Éric Stalner alterne humour grinçant et superbes planches de batailles. Il montre aussi qu’il est un des meilleurs coloristes du moment. Espérons que les volumes suivant seront du même calibre.
Editions Grand Angle. Scénario Julien Hervieux, Dessin Eric Stalner
64 pages, 16,90 €
« 10 bandes dessinées pour noël » – Lawmen of the west
Dans ce quatrième volume de la collection, Tiburce Oger raconte l’histoire de l’Ouest à travers les figures des défenseurs de la loi. Sheriff, Minutemen, chasseur de prime, Pinkerton, rangers ou bourreau. Tous sont les personnages de 14 histoires nerveuses et bien troussées. Les dessinateurs choisis parmi les meilleurs auteurs du genre embarquent le lecteur dans la traque d’indiens rebelles, sur la piste d’un déserteur, avec une bande de miliciens dévoyés ou pour écouter l’histoire du roi des bourreaux. Si certains doutent de l’intérêt de ces ouvrages collectifs ou des nouvelles dessinées, ils doivent lire Lawmen of the west pour changer d’avis.
Lawmen of the west
Scénario Tiburce Oger, collectif
Editions Grand Angle. 120 pages, 19,90 €
« 10 bandes dessinées pour noël » – Quand souffle le vent
Cet album pourrait n’être qu’une curiosité éditoriale mais il est bien plus que cela. Paru en 1982, Quand le vent souffle, inédit en France, semble sorti des brumes de la guerre froide. Ce vestige des peurs atomiques retient l’attention par son écriture, entièrement dialoguée et des personnages bouleversants. Un couple de personnes âgées tente de sauver sa vie alors que la radio annonce une explosion atomique. Les autorités ont donné des consignes pour se mettre à l’abri mais comment les appliquer quand on ne sait pas ce qu’est une explosion nucléaire, qu’on vit dans une petite maison à la campagne. On rit dans les premières pages de voir ce couple totalement décalé, blottit derrière une simple porte pour se protéger des radiations. Le rire se transforme rapidement en effroi devant ce conte qui avance inexorablement vers le drame.
Quand souffle le vent. Scénario et Dessin Raymond Briggs. Editions Tanibis. 48 pages, 17 euros.
« 10 bandes dessinées pour noël » – Viking dans la Brume
Les albums d’humour de qualité sont très rares parmi les sorties de bandes dessinées historiques. Les auteurs tombent bien souvent dans l’humour un peu gras et ne parviennent pas à trouver le ton juste pour satisfaire les amateurs d’histoire. Conçue sous forme de strip de 4 à 6 cases, les Viking dans la brume, les auteurs frôlent la perfection. Scénario et dialogue jouent avec l’absurde, les anachronismes. Les Viking sont de bons gars qui ne peuvent résister à leur nature de pillard mais qui doivent sans cesse composer avec Odin, Thor, les devins, les runes divinatoires, les éléments, les enfants pacifistes, leurs femmes restées au village et bien contentes de voir leurs barbares de maris reprendre la mer.
Lupano ramène sans cesse ces fiers guerriers dans la réalité et elle est dure pour le viking. En effet, comment bruler un village quand il pleut, comment montrer sa bravoure sans se trouver en première ligne, faut-il faire demi-tour si un guerrier a oublié son arme ? Autant de questions existentielles que Arnulf, Olaf et Reidolf doivent résoudre pour maintenir le moral des troupes.
Le dessin de Ohazar ajoute à l’humour en jouant des stéréotypes et en réussissant à créer mouvement et profondeur sur un nombre restreint de cases. Le travail de couleur que beaucoup aurait négliger dans ce type d’album est remarquable et ajoute au charme de cette série. L’humour de Vikings dans la brume descend directement de Kaamelott, d’Achille Talon et, pour les plus anciens de Hagar Dünor.
Ce qui pourrait n’être qu’une galéjade est à bien y regarder un ouvrage documenté qui raconte la fin du monde viking confronté à l’expansion du christianisme. Elle touche d’abord les femmes puis les guerriers qui le découvrent dans leurs rapines et au contact des ecclésiastiques missionnaires ou réduits en esclavage.
Viking dans la Brume, 2 volumes. Wilfrid Lupano, Ohazar. Editions Dargaud. Chaque volume 64 pages, 14 €
« 10 bandes dessinées pour noël » – Qin Shi Huang
3e sicle avant J.C., Qin Shi Huang premier empereur de Chine, unificateur du pays et vainqueur des Royaumes combattants sent sa fin venir. Il écrit une lettre à son fils ainé exilé pour lui confier le pouvoir. Il part ensuite sur la route, couché dans son chariot à la recherche de l’élixir d’immortalité. Souverain cruel et paranoïaque, il est entouré d’une clique de courtisans avides de pouvoir qui contrôlent le fils cadet et complotent pour que ce dernier, héritier falot, pousse son ainé au suicide. Ce moment charnière de l’histoire chinoise sert de fil rouge à cet album remarquablement écrit. A chaque étape de l’agonie de l’empereur, les auteurs reviennent par une série de flash-back bien menés sur le destin de celui qui ne devait pas régner. Enfant otage d’un des royaumes combattants, il succède à son père qui monte sur le trône à la suite de tractations de couloirs.
La suite est une série de guerres sanglantes contre les Royaumes concurrents, contre les armées levées par les généraux ou les fonctionnaires qui trahissent les uns après les autres. Qin Shi Huang qui a interdit à des gardes de porter des armes pour éviter les attentats échappe à plusieurs tentatives d’assassinat et de renversements. Premièrement, il doit cloitrer sa mère. Ensuite, il exile son plus fidèle ministre qui ne pense qu’à prendre sa place. De plus, Les auteurs ont choisi, pour raconter cette saga de donner la parole à un garde impérial qui connait le souverain depuis l’enfance. Sa position près du pouvoir et éloigné des enjeux qui pourrait l’atteindre permet un récit distancé et vivant, plein d’anecdotes comme le ferait un journaliste qui rendrait d’un long règne marquant de l’histoire.
L’ensemble est servi par un dessin foisonnant qui passe avec élégance des scènes intimistes aux grandes images de batailles. Voilà une belle surprise pour les amateurs de grandes sagas et d’histoire chinoise.
Qin Shi Huang.
Scénario Fabrice Linck, dessin et couleurs David Soyeur et Giulia Priori. Editions Kamiti, 64 pages, 15,90 €
« 10 bandes dessinées pour noël » – Madeleine résistante T3. Les nouilles à la tomate
Depuis 4 ans et déjà deux tomes parus, Jean David Morvan et Dominique nous ont fait découvrir la vie extraordinaire de Madeleine Riffaud. Elle a 16 ans quand les Allemands envahissent la France et jettent sa famille dans l’exode. Maltraitée par un officier, elle est résolue à rejoindre la Résistance, elle atteint son but.
Sous le pseudo de Rainer, elle intègre la Résistance parisienne. Dans ce troisième volume, elle revient sur son arrestation à la suite de l’exécution d’un officier allemand. Arrêtée par la Milice qui la livre à la Gestapo, elle raconte sa détention et les tortures qu’elle subit ainsi que ses camarades de détention. Condamnée à être fusillée, elle part dans le « convoi des 57 000 » à destination de Buchenwald et de Ravensbrück. Elle s’échappe, est reprise puis retrouve la liberté lors d’un échange de prisonniers, le 19 août.
Reprenant immédiatement le combat, la jeune femme participe à la Libération de Paris. Le jour de son 20e anniversaire, avec trois résistants, elle bloque un train de soldats faisant 60 prisonniers. Ils y trouvent de quoi faire un gueuleton mémorable. Le 23 août 2024, Madeleine Riffaud a fêté ses 100, elle est une des dernières témoins/actrice de la Libération de la capitale.
Jean David Morvan est devenu le scénariste de la Seconde Guerre en bd, c’est aussi un accoucheur d’histoire hors pair. Madeleine s’est confié à lui, elle lui a confié des épisodes qu’elle gardait pour elle comme ces moments de torture à Fresnes en 1944. Dominique Bertail s’est approprié ce récit extraordinaire avec bienveillance et humilité. Sans jamais faire d’esbrouffe, son dessin met le lecteur à la bonne distance pour nous rappeler que ces hommes et femmes de la Résistance ne se voyaient pas comme des héros mais comme des patriotes qui faisaient leur devoir.
Madeleine résistante T3. Les nouilles à la tomate
Scénario JD Morvan et M. Riffaud, dessin D. Bertail. Editions Dupuis. 128 p. 23,50 €
« 10 bandes dessinées pour noël » – Guerres et Dragons. L’escadrille Lafayette
Une telle série avait peu de chances de se retrouver dans ces pages et pourtant. Après un premier volume convaincant La Bataille d’Angleterre, ce nouvel opus emporte nos suffrages. Les auteurs imaginent que les dragons existent, qu’ils déciment les troupeaux et que les avions sont seuls capables de les éliminer. Frank Luke a 12 ans lorsqu’un dragon ravage la ferme familiale. Sept ans plus tard, il s’engage dans l’Escadrille Lafayette qui combat dans l’est de la France. Le scénario, classique, met en scène de beaux personnages, bien campés. Un dur à cuire, un chef dur mais juste, un débrouillard, un taiseux mènent la vie dure à Luke jusqu’au jour où le dragon Schwartzlord apparait dans le ciel et fait des victimes. C’est bien ficelé. Les auteurs ont fait un gros travail de documentation sur les avions de 1917, leurs caractéristiques techniques, leur puissance. A partir du moment où on accepte l’idée que ces animaux font partie du paysage, on plonge avec plaisir dans ce récit qui mêle guerre mondiale et fantasy.
Guerres et Dragons. L’escadrille Lafayette
Scénario N. Jarry dessin L. Leoni et E.Negrin. Editions Soleil. 58 p., 16,50 €
« 10 bandes dessinées pour noël » – Le combat d’Henry Fleming
6 ans après 5 branches de coton noir, Steve Cuzor reprend son évocation de l’histoire militaire américaine avec le même brio. En adaptant le roman de Stephen Crane, The Red Badge of Courage, (l’insigne rouge du courage, Gallmeister), il donne une vision pleine de doute sur la geste héroïque attachée à la guerre de Sécession. Henry Fleming s’engage contre l’avis de sa mère dans les armées du nord, il rêve de gloire et d’aventure. La désillusion arrive vite. Quand arrive enfin l’ordre de l’assaut, les discussions s’animent, les hommes parlent, certains doutent, d’autres ont peur. Henry réalise que la mort peut le frapper à tous moments. Aura-t-il le courage d’avancer sous le feu ?
Quand la ligne se met en branle, que les fusils et canons tirent, que la fumée envahit les champs, il craque et se sauve, repart en arrière, vers la forêt. Il croise ses camarades qui se replient, il se glisse dans la colonne en faisant semblant d’être blessé. La supercherie fonctionne mais un nouvel assaut s’annonce, se défilera t’il à nouveau ou restera t’il au milieu des copains ? La réponse est pleine de surprise. Cet admirable album est une réflexion sur ce qui fait la guerre au moment où il faut marcher vers l’ennemi ou sortir de sa tranchée. C’est aussi une évocation magistrale des combats de la Guerre civile. Les dessins en noir et blanc sont magnifiés par un encrage parfait, ils baignent dans une atmosphère bistre qui accentue l’étrangeté du moment. Les combats sont baignés dans la fumée de la poudre brulée et les morts pourrissants sur le champ se comptent par dizaine. Cet album âpre et désespéré était attendu, c’est un chef d’œuvre.
Le combat d’Henry Fleming
Scénario et dessin Steve Cuzor. Editions Dupuis, 152 p. 26€
« 10 bandes dessinées pour noël » – Le petit théâtre des opérations – Les guerres napoléoniennes
Après les deux guerres, les femmes soldats, les jeux olympiques, l’Odieux Connard se penche sur l’empereur et son entourage. En 8 histoires courtes et des pages d’anecdotes, il nous régale par un humour qui ne respecte rien et qui cherche forcément la petite bête. Avez-vous entendu parler de Lisette, la jument de Marbot qui mordait les soldats russes ? Saviez-vous que l’armée britanniques engageait les femmes pour attirer les maris ? Connaissiez-vous le général Daumesnil qui refusa, après l’abdication de Napoléon, de rendre Vincennes pendant 120 ? ou la vie extraordinaire de Marie Thérèse Figueur, madame Sans Gêne, qui jurait comme un charretier et qui se battait comme une diablesse ?
Cette bonne tranche de rigolade qui se conclue systématiquement par « Toute ressemblance avec des personnages et faits ayant existé est absolument volontaire car tout est vrai » a été validée par les musées de Waterloo et de la Légion d’honneur, c’est dire.
Le petit théâtre des opérations – Les guerres napoléoniennes
Dessin Prieur et Malgras, scénario Julien Hervieux « Odieux Connard ». Editions Fluide Glacial, 56 p., 15,90 €
« 10 bandes dessinées pour noël » – Victus
Adapté d’un roman espagnol à succès Victus aborde un thème inédit dans la bd de guerre en France : la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714). Pour conduire ce récit historique, complet et très documenté, les auteurs ont inventé un personnage haut en couleur, Marti Zuviria. Aventurier, ambitieux, élève de Vauban, il se met au service des armées qui l’enrôlent pour ses qualités d’ingénieur en fortifications. Les deux premiers tiers de ce gros roman graphique plantent le décor du conflit qui oppose Louis XIV aux autres grandes puissance européennes. Sans ignorer les enjeux politiques, Victus se concentre sur les batailles, les sièges et les combats contre les fidèles de Charles III, dont Louis XIV ne veut pas, dont certains mènent une féroce guérilla. Le second siège (1713-1714) puis la capture de Barcelone par les Français occupent la dernière partie de l’album. Cette dernière bataille de la guerre a duré 11 mois, la population a été bombardée, une partie de la ville totalement détruite. La fête nationale catalane est célébrée le 11 septembre jour de la capitulation.
Le scénario est remarquablement écrit, les rebondissements incessants se glissent naturellement dans l’histoire de la guerre. Le dessin très inspiré dans les moments intimistes se transforme en superbes grandes fresques dans les scènes de batailles. On manque réellement, dans la bd de guerre, de grands récits d’aventure de cette qualité.
Victus
Scénario C. Santamaria, dessin Cesc F. Dalmases. Nouveau Monde Editions. 160 p., 29,90 euros